En ce moment, on parle beaucoup de cette addiction au sucre dont on essaye de se débarrasser.
Et comme pour l’addiction à l’alcool, à la cigarette aux autres drogues, la solution, c’est la détox. La fameuse détox de sucre qu’on voit fleurir un peu partout sur Instagram, dans les magazines, et… partout en fait.
Déjà, sachez que la détox au sucre ne résout pas le problème.
Pire encore, ça l’aggrave.
Et on va voir pourquoi dans cet article.
Le sucre, c’est le truc à bannir en ce moment.
C’est l’ennemi numéro un.
On culpabilise quand on en mange parce qu’on nous dit que :
- « c’est pas bon pour notre santé »,
- « ça nous fait grossir »
- « on devient addict au sucre »
Addiction au sucre : l’étude sur les rats
Revenons d’abord sur une étude scientifique que tout le monde connaît.
C’est une étude qui a été faite sur des rats ou la conclusion de l’étude est que les rats, quand ils ont le choix entre de la cocaïne et du sucre, choisissent le sucre.
Donc, la conclusion que tout le monde s’est empressé de reprendre, c’est que le sucre est plus addictif que la cocaïne. D’où l’urgence de se débarrasser du sucre et de ne plus jamais y toucher.
Revenons ensemble sur cette étude et notamment les conditions de cette étude.
Quand on fait une étude, il y a toujours un premier groupe témoin sur lequel on ne fait rien, et un deuxième groupe sur lequel on fait l’expérience. Pour ensuite comparer les résultats « avec et sans » l’expérience.
Ici, on a privé les rats de sucre pendant quelques heures et suite à cette privation, ils se sont en effet jetés sur la nourriture, sur le sucre donc, au lieu d’aller vers la cocaïne.
Deux observations importantes ici :
- après avoir été privé de nourriture pendant plusieurs heures, c’est rassurant que les rats préfèrent manger du sucre, plutôt que de sniffer de la cocaine… n’est-ce pas ? Le sucre étant « légèrement » plus nourrissant que la cocaine…
- le groupe témoin, qui n’a pas été privé de nourriture, n’a pas eu ce comportement addictif face au sucre. Dans ce premier groupe, les rats ont consommé le sucre de manière normale, sans changer leurs habitudes.
Autre information intéressante, quand on a associé le sucre à un stimulus négatif (un choc électrique), les rats ont arrêté d’aller vers le sucre parce qu’ils savaient que c’était associé à quelque chose de négatif. Et quand on a fait la même expérience avec la cocaïne, ça n’a rien changé, les rats ont continué d’aller vers la cocaine, malgré le choc électrique.
Cette étude, en fonction de comment on l’analyse, montre en réalité le non-sens de cette comparaison entre la cocaïne et le sucre.
Des personnes addicts à la cocaine se prostituent pour en obtenir, ils volent et vont jusqu’à tuer. Parce que c’est en effet une drogue… addictive. Aucun de ces comportements ne sont associés à la consommation de sucre.
L’étude sur les rats a en fait montré que c’est la privation de nourriture qui a provoqué cette supposée « addiction » au sucre (qui est en réalité une « compulsion alimentaire »).
Accro au sucre ou restriction alimentaire ? (une seconde étude)
Une autre étude a été faite en 1944 sur des hommes en parfaite santé physique et mentale.
Le but de cette étude était de mieux comprendre les impacts physiques et mentaux de la famine qui sévissait à ce moment là, ainsi que « l’après famine ». Comment réagissent les gens quand on leur redonne à manger après une période de privation ?
Pendant 6 mois, les hommes qui ont participé à cette étude sont passé d’un régime à 3000 calories, à un régime à 1500 calories.
Après 6 mois, ces hommes n’avaient plus du tout une relation saine à la nourriture. Soit ils mangeaient tout le temps, soit ils avaient des grosses « crises de bouffe », régulièrement.
Et même 8 mois après l’expérience, ces hommes n’étaient toujours pas capables de manger normalement, comme avant. Ce nouveau comportement, c’est exactement ce qu’on pourrait confondre avec une « addiction à la nourriture ».
Mais en réalité, les corps de ces hommes réagissaient juste à la restriction qu’ils avaient subit.
Ils ont été privés pendant 6 mois et à cause de cette privation, ils ont ressenti le besoin irrépressible de manger. Pas seulement pendant quelques jours, mais pendant des mois. Même après être revenu à leur régime alimentaire de base.
L’être humain est bien fait et sa fonction première est de survivre.
Tout est fait dans notre corps pour déclencher des mécanismes de survie.
Le besoin irrépressible de nourriture, après une période de privation, est un mécanisme de survie, un besoin biologique.
Et pourquoi le sucre ?
Parce que le sucre donne de l’énergie très rapidement.
Donc, dans un état de privation, c’est complètement normal d’aller vers le sucre.
Oui mais, nous ne sommes pas en période de famine ?
Pourquoi donc je n’arrive pas à arrêter le sucre ?
Votre corps ne fait pas la différence entre une « restriction volontaire » et une « famine ».
Pour lui le résultat est le même : il a envie d’un aliment, et vous l’en privez.
Donc quand vous essayez à tout prix de vous priver de sucre, votre corps ne comprend pas. Et il réagit comme il sait faire… en vous envoyant de puissants signaux qui disent un truc comme… J’AI ENVIE DE SUCRE MAINTENANT.
Addict au sucre ou alimentation troublée ?
Quand on parle d’addiction au sucre, on parle en réalité de réaction à la privation de sucre.
Parce que ces envies irrépressibles de sucre sont directement liées à la privation.
Les personnes qui se disent « accro au sucre » vivent en réalité des « compulsion alimentaire ». Ces compulsions sont le signe d’une alimentation troublée, et parfois même d’un trouble alimentaire (hyperphagie).
C’est normal de penser qu’on est accro au sucre quand on a ce comportement avec le sucre (et qu’on nous dit partout que le sucre rend accro…).
Il faut juste savoir que l’addiction au sucre n’a jamais été prouvée aujourd’hui, et que, par contre, il a bien été prouvé que la restrictions mène aux compulsions alimentaires. Et que diaboliser le sucre, se priver de sucre, c’est augmenter ses chances d’avoir des compulsions de sucre (et donc renforcer la croyance qu’on serait « addict au sucre »).
Finalement, diaboliser le sucre et se priver de sucre empire le situation.
La seule chose à faire est de changer la vision qu’on a du sucre (et de tous les aliments), pour ne plus culpabiliser d’en manger, arrêter de se restreindre et faire comprendre à un corps et notre cerveau petit à petit que c’est OK, qu’il n’y a plus de raison de « réagir à la privation » par des envies irrépressibles.
Diaboliser le sucre, c’est se tromper d’adversaire.
Se sevrer du sucre, c’est la solution facile qu’on essaye de vous vendre, mais est-ce que ça fonctionne sur le long terme ? Ou est-ce que vous ne pouvez pas vous empêcher de retourner vers le sucre ?
L’idée est d’apprendre à vivre avec le sucre (comme avec tous les plaisirs de la vie) sans que ça ne soit une obsession et sans que chaque goûter parte en compulsion alimentaire. On ne veut pas « se priver de plaisir », on veut faire la paix avec le plaisir.
PS : quand on parle de « se priver de sucre », on parle aussi de privation mentale (restriction cognitive) comme par exemple diaboliser le sucre dans sa tête. Culpabiliser de manger du sucre, c’est comme se priver de sucre, car on le mange mais est-ce qu’on se l’autorise réellement ?